Suspendu dans les airs, entre le temps et les espaces, mon regard était rivée vers l'immense étendue bleutée aux apparences d'infini que j'entrapercevais par le hublot à la forme ovale. Je soupirais bruyamment, combien heures venais-je de passer le cul collé à ce fauteuil de première classe à n'attendre qu'une chose, enfin pouvoir poser mes pieds sur la terre ferme. Depuis mes 16 ans, il me semblait que je ne faisais plus que passer à bord de ces immenses airbus. Entre Paris et Milan, Milan et New York, New York et Londres, et la liste continuait encore et encore... À peine 21 ans j'avais déjà fait le tour du monde de nombreuse et pourtant me voilà en direction de... La Nouvelle-Zélande, et plus précisément Wellington. J'avais connu plus glamour comme destination. Je me souviens encore très clairement de « l'incident » qui m'avait poussé à prendre le premier vol pour l'autre bout du monde.

Les lumières dansaient tout autour de moi, nous étions tous avantagé par ces lumières tamisées même si le besoin ne s'en faisait pas ressentir, car nous étions mannequin et donc parfait... Comme souvent le vendredi soir, j'avais gagné l'un des clubs les plus branchés de la capitale de la monde européenne et enchaînait les verres de champagne sans retenue aucune...refusait une invitation à tirer un trait dans les toilettes, je ne touchais plus à ce genre de chose depuis peu... La fête battait son plein quand il avait fait son apparition son front perlant de sueur et ses lunettes lui tombant sur le nez.

- Ed' téléphone pour...
- Si c'est ma mère, dit lui que je la rappellee dès que je peux.

Inquiète de nature, ma mère s'obstinait à me téléphoner presque tout les deux jours pour obtenir de mes nouvelles. Elle semblait s'arranger pour toujours trouver le pire moment pour tenter de me joindre, les mères et leur sixième sens...

- Ce n'est pas ta mère... C'est à propos de ta mère!. Me hurla-t-il pour que je l'entende par dessus la musique.

Aussitôt mon expression se figea...À propos de ma mère? Son expression de terreur sur le visage, la sueur sur son front, ses lèvres tremblantes. Non ça ne devait pas être une bonne nouvelle. À peine étais-je sortit de la boite afin de prendre l'appelle que la voix à l'autre bout du cornet et accessoirement à l'autre bout du monde m'annonça que ma mère était décédée et que la piste d'un homicide était envisagée. Le reste des évènements restent assez flous dans mon esprit, peut-être est-ce du au mélange de la vodka et du champagne dans mon foie, ou encore le choc de la nouvelle... Avant même de m'en rendre compte je me retrouvais à bord d'un avion afin de prendre soin des formalités entraînées par le décès de celle qui m'avait donné la vie.

Homicide... Le mot semblait tourné dans mon esprit encore et encore... Qui avait bien pu en vouloir à ma mère. Elle n'était semblait-il pas la seule à avoir perdue la vie dans ces circonstances ces derniers temps, un tueur en série peut-être. Un salaud de tueur en série m'avait l'être que j'aimais le plus sur cette terre absurde. Je me promis de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour lui faire payer.

- Vous n'avez besoin de rien? Me lança une voix féminine me tirant de mes réflexions.

Je plongeais alors mon regard vers elle la dévisageant comme j'avais toujours l'habitude de le faire et étudiant le moindre de ses traits. Elle était mignonne mais sans plus, pas de potentiel dans le monde dans lequel j'évoluais et encore moins celui de se retrouver avec moi dans les toilettes de l'engin volant.

- Non. Répondis-je sèchement sans même plus daigner la regarder.

J'étais comme ça, je jugeais, testais constamment les personnes autour de moi. Je n'aimais que la qualité, que ce qui était beau, cher ou les deux. J'avais des goûts en avait bien conscience mais à force de se faire photographier pour Gucci, Louis Vuitton ou Yves Saint Laurent on finit par prendre le pli... Superficiel je l'étais mais peut m'importait. La célébrité que m'avait apporter le mannequinat n'avait bien sur pas qu'exacerber les mauvais aspects de ma personnalité... J'avais aussi appris à devenir plus diplomate, sociable et n'hésitait pas une seconde à utiliser ma notoriété pour le bien d'autrui. J'étais généreux, ma mère m'avait éduqué ainsi.

À cette pensée, mon regard s'embua légèrement. Je n'étais pas vraiment du genre sentimentale, et ne m'attachait pas souvent au personne justement de peur de ne pas souffrir comme je le faisais pour le moment. L'impatience me gagnait encore et encore alors que le temps filait, têtu, j'avais refusé que mon assistant m'accompagne, je ne voulais pas qu'il voit l'endroit où j'avais grandis , si différent du milieu dans lequel j'évoluais à présent.

Enfin le logo invitant les passagers à attacher leur ceinture s'illumina indiquant la descente prochaine de l'avion et l'arrivée dans la capitale de Nouvelle-Zélande. Je pouvais sentir mes entrailles se resserrer, non pas à cause de la descente mais tout simplement parce que je n'avais plus remit les pieds à Wellington depuis des années...

Ces étendues verdoyante que les studios hollywoodiens nous envies, cette rencontre féroce entre la mer azure et la montagne, un ciel rouge, bleu ou violet, c'est dans ces paysages de rêves que j'ai passé mon enfance. Plus précisément dans la ville de Wairoa, un peu plus de 8000 habitants autant dire une goutte d'eau dans l'océan des 7 milliards d'être humain.

Je vis le jour mi-décembre de l'année 1988, assez tôt pour ne pas manquer les fêtes de noël qui suivirent quelques jours plus tard. Je suis l'enfant unique de ma mère, Isabelle Beaussant et de mon père... Attendez... heu... Non, je n'ai jamais eu de père.

- Maman. C'est qui mon papa?

À peine avais-je appris mes premiers mots que déjà de nombreuses questions embrumais mon esprit enfantin. Pourquoi les dames ne cessaient-elles de répéter à bout de champ à quel point j'étais mignon avec deux prunelles bleutées et mes cheveux blonds? Pourquoi nous n'avions pas une maison comme tout les autres et devions vivre dans l'hôtel dans lequel maman travaillait? Et bien sur... Pourquoi je n'avais pas de père.

- Tu n'as pas de papa mon coeur, c'est tout. M'avait-elle répondu sans ce défaire de ce sourire qui ne la quittait jamais. Tu t'appelles Eden, car tu es mon petit bout de paradis. Léon comme ton grand-père qui nous a quitté beaucoup trop tôt, et Beaussant comme ta maman. Tu n'as pas de papa et tu n'en as pas besoin.
- D'accord. Et puis j'ai pas besoin de papa si je t'ai toi.

Bien sur à ma réplique les larmes montèrent aux yeux de ma mère qui me serra dans ses bras avec force. Je ne connus donc jamais mon géniteur où plutôt n'aie jamais chercher à le connaître. Le mystère de ma conception m'importe peu, je trouvais suffisamment d'amour dans notre famille réduite au stricte minimum. Nous irradions tout deux de bonheur et n'avions besoins de rien d'autre.
Ma mère se tuait à la tâche jour et nuit pour subvenir à nos besoins, elle travaillait dans l'un des petits hôtels qui bordait la rivière qui traversait Wairoa. Elle y tenait le rôle de serveuse, travaillait parfois à l'accueil et n'hésitait pas à donner un coup de main à l'entretient lorsqu'il fallait. Elle se démenait dans tout ce qu'elle entreprenait ne craignant jamais la fatigue. Elle était pour moi tel un super-héros qui n'abandonne jamais.

Il lui arrivait souvent de me parler de notre famille, celle qu'elle avait quitter il y a quelques années de ça en France. Elle me racontait Paris la ville des lumières, les milles et uns secrets qu'elle renfermait et les moments mémorables qu'elle y avait passé. Elle me promettait chaque fois qu'un jour elle m'y emmenerait... Ce que je fis plus tard... Mais par mes propres moyens.

Au sein de l'hôtel, j'étais la coqueluche de tout les membres du personnels, ils n'hésitaient pas à prendre soin de moi à tour de rôle et finalement notre petite famille s'agrandit très vite et je fus entouré d'amour comme pas assez d'enfants ne le sont. Mais bien sur, comme dans toute bonne histoire, il y a des moments moins roses et pour moi ceux-ci se déroulèrent à l'école... Passer les premiers instants de la maternelle où j'étais le chouchou des puéricultrices et de la plus part des élèves, je passais vite de ce statut à celui de victime des gros bras jaloux de mon charisme naturel. Petit et mince, mon apparence beaucoup plus féminine que masculine je n'avais bien sur pas de quoi faire le poids contre ces brutes juvéniles. L'habitude s'installa et chaque jour je me trouvais dépouillé du moindre argent et bizuter de divers manières souvent plus humiliantes les unes que les autres.

- Allez! Videz lui les poches!
- Mais je vous dit que je n'ai plus rien!
- Arrête de nous mentir petit con! On va te secouer comme un prunier et voir si tu n'as plus rien.

Les gamins ne semblaient reculer devant rien pour ne fus que quelques centimes où quelques bonbons. J'avais alors 9 ans et n'était qu'une brindille entre leurs poignes de joueur de rugby. Ils n'hésitaient pas à user de toutes formes de stratagèmes pour me dépouiller, si bien que ce jour là, ils n'hésitèrent pas à me retourner complètement me retrouvant ainsi la tête en bas.

- Je croyais que t'avais plus rien pauvre tâche! se rejouit-il en se penchant pour ramasser les pièces qui tombaient sur le sol.
- Arrêtez! Lachez moi!
- Lachez le!

Et bien sur je tombais à la renverse, me faisant de beau bleus au passage... Le cinéma dura encore quelques mois jusqu'à ce que finalement mon ange gardien vienne à ma rescousse.

- Lachez le bande de mauviettes! Lança un jour une voix beaucoup plus âgée.
- Haha tu crois que tu nous fais peur parce que tu fais une tête de plus? Approche un peu pour voir!

Et c'est ce qu'Angel fit et ils le regretèrent amèrement celui-ci leur mettant la raclée de leurs vies. Un lien – presque – indestructible s'instaura alors entre le brun et moi. Il était de 8 ans mon aîné et devint très vite le grande frère que je n'avais jamais et moi son nouveau frère. J'appris qu'il avait perdu le sien quelques temps plus tôt. Il fut mon protecteur pendant très longtemps faisant fuir les moindres brutes qui tentaient de m'approcher. Nous étions quasi-inséparable.
Bien sur, il ne pouvait me protéger constamment et ce même dans l'enceinte du collège... Alors que tout les garçons de mon âge étaient naturellement passionnés de rugby – le sport nationale – moi je l'étais de photographie, ce qui m'attira bien sur des railleries de toutes sortes. J'étais différent et j'en payais le prix fort. Mais c'est notamment cette différence qui fut mon échappatoire...

C'était un après-midi d'été comme les autres... Contrairement à tout les jeunes de mon âge je ne me réjouissais pas à l'idée de retourné au lycée si bien que j'avais décidé de profiter de ma dernière journée pour prendre le bus direction Wellington, mon appareil photo avec moi. La plage était l'un des lieux que je préférais. Je pouvais me noyer d'admiration devant la mer pendant des heures sans même voir le temps s'écouler... C'est alors que je presser et encore le bouton de l'appareil qu'une voix m'interpella.

- C'est pas derrière l'objectif que tu devrais être mais devant.

La voix inconnue m'avait sortie de ma torpeur contemplative et je m'étais tourné vers mon interlocuteur surpris et intrigué. Il s'agissait d'un homme sans doute la trentaine, des lunettes de soleil de marques, des chaussures de marques... Enfin le moindre de ces vêtements devaient couter plus cher que l'hôtel dans lequel je vivais...

- Pardon? Avais-je alors demandé poliment.
- Édouard Lambert, Success Model Agency. Répondit-il en me tendant sa main que je serrai. Il avait une poigne de fer. Je disais donc, que t'as place est devant l'objectif en tant que mannequin et pas caché derrière ton énorme appareil! Il rit doucement.
- Mais... Je... non... Il rit une nouvelle fois.
- Écoute, je ne dis pas ça à n'importe qui. Tu as vraiment du potentiel! Voilà ce qu'on va faire. Je te donne ma carte, tu réfléchis un peu à ce que je viens de te dire, et si tu veux viens à la soirée qui est organisée sur la plage ce soir...
- Heu... Je ... Ok. Je saisis fébrilement la carte et lisait son nom au dessus des appellations « Model Scout ».
- Ton nom c'est quoi?
- Eden Beaussant. Il semblât surpris par la consonance française mais continua..
- Et bien Eden Beaussant, je te vois ce soir. Du moins je l'espère. Réfléchis bien.

Combien de temps restais-je sur la plage à fixer la carte qui se tenait entre mes mains? Je n'en avais aucune idée. Je devais avoir complètement mémoriser la moindre information qu'il y était inscrite. Je ne parvenais tout simplement pas à croire ce qui était entrain de m'arriver. Moi? Le petit bouseux, victime de Wairoa, un mannequin? ...

Bien sur, je me rendis à la soirée à laquelle j'avais été invité et fut présenté à de nombreuses personnes dont je ne retenais bien sur pas les noms. Représentant pour des grandes marques, ils me firent dont d'un tas de cartes que j'enfermais dans ma poche alors que Lambert semblait aux anges. Il n'eut pas très difficile de me convaincre, après tout, quitter Wairoa avait toujours été l'un de mes buts premiers. Quitter cette vie beaucoup trop médiocre...

- Mais tu peux pas partir comme ça et devenir mannequin?! S'était exprimé Angel. Enfin c'est pas sérieux!
- C'est la chance de ma vie, de me barrer d'ici, d'enfin aller à Paris!
- Tu ne te rends pas compte Edy...
- Bien sur que je me rends compte et j'aimerai vraiment que pour une fois qu'il m'arrive quelque chose de bien, vous me souteniez! Il n'y a rien pour moi ici! RIEN DU TOUT!

Les disputes s'enchaînèrent et se ressemblèrent les jours suivants... Jusqu'à ce que finalement ma mère cède – trop bonne comme elle l'était – et signe les papiers m'autorisant à quitter le pays avec mon nouvel agent. Angel n'avala pas aussi bien la pillule... Il ne répondit ni à mes mails, et encore moins à mes appels téléphoniques...

Une nouvelle vie s'offrait à moi tellement différente de ma précédente. J'entrai dans un monde où ma différence faisait ma force et me rendait quasiment invincible, je charmais par mon charisme et les designers les plus réputés ne tardèrent pas à voir en moi leur nouvelle coqueluche. Je voyageais de part le monde, faisait la fête jour et nuit. Je vivais le RÊVE. Petit à petit Wairoa s'effaça de mon esprit au privilège de Paris, Tokyo, Londres ou Los Angeles. J'étais la star.