A l'étage, je marchais tel un robot, la poignet de la porte de la chambre d'Hafiz bientôt proche de ma main. M'approchant peu à peu, je tentais de faire de moins en moins de bruit pour qu'il ne m'entende pas. Il était trois heures du matin, je n'arrivais pas à dormir, et j'avais peur de rester seule dans ma chambre, dans le noir, sans pouvoir faire chier personne. J'avais donc jeté mon dévolu sur mon pauvre grand frère, qui subissait chacune de mes envies. Ouvrant doucement la porte, je grimaçais face à son léger grincement. La refermant derrière moi, je me glissais ensuite dans les draps de mon frère que j'allais bientôt réveiller. J'avais posée ma main gauche sur son épaule, et je l'avais doucement secoué, voyant qu'il ne réagissait pas, je lui avais foutue quelques claques et c'est là que je me suis retrouvée par terre. BOUM! Hafiz a alors explosé de rire, il était réveillé depuis longtemps, le bougre. « Hafiz, espèce de .. ! » Il riait, il riait comme un fou, de son rire enfantin, il ne pouvait plus s'arrêter. « Banane moisie pourrie! » Et moi, moi je fronçais les sourcils pour faire croire que j'étais en colère, mais je souriais, parce que j'étais heureuse, heureuse d'être là. Je m'étais redressée, et j'avais sauté sur le lit de mon frère, et je l'avais bombardé de chatouilles dans le cou, je savais pertinemment qu'il détestait cela car à chaque fois il était mort de rire et il ne parvenait pas à se débattre. A ce moment-là, nous ne nous sommes pas préoccupés du bruit que nous aurions pu faire. Hafiz était mort de rire, il n'arrivait même plus à parler, et j'étais dans le même état que lui. Je n'ai jamais compris pourquoi les personnes qui font les chatouilles rigolent autant que ceux qui les subissent, enfin, pour moi c'était comme ça, je riais toujours autant que mon grand frère. Au bout d'un moment, j'ai abandonné, j'avais mal au ventre à force de rire, c'était horrible. Je me suis allongée à côté de lui, sans rien dire, je me suis enfouie sous la couette, blottie dans ses bras. « C'est toi la banane, pas moi, en plus.. » Je me suis alors reculée doucement, fronçant les sourcils en grimaçant comme le faisait maman. « J'suis peut-être une banane, mais toi t'es qu'un gros kiwi moisi pourri. » Il a alors fait de gros yeux, avant de m'ébouriffer les cheveux, j'ai secoué la tête avant de me rapprocher de lui et de fermer les yeux. Morphée m'avait prise dans ses bras.. Enfin, là c'était plutôt Hafiz, mais, on s'en fout. Nous avions toujours été proche lui et moi, toujours pleins de petites affections l'un envers l'autre, même comme nous étions gosses. Mon grand frère a toujours été protecteur et câlin avec moi, sa seule petite sœur, et je l'en remercie encore aujourd'hui, même s'il n'est plus des nôtres.

« Hafiiiiiiiiiiiiiiiiizzz, lève-toi, c'est l'heeeeeeure! » Il était dans son lit, faisant l'étoile, et dormant à poing fermés avant que je n'ouvre ma grande gueule. Il a sursauté et m'a envoyé chier comme il le faisait si bien. « Casse toi Cassie, laisse-moi dormir, PETITE! » Fronçant les sourcils, j'avais sauté sur son lit comme une gamine de cinq ans, et je gueulais. « Debout Fifiiii, debout Fifi, debooooooout! » Il a fini par se lever, par me porter dans la salle de bain avec une étrange facilité, et il m'a foutu dans la douche, sous l'eau froide.. Dix juillet, départ en vacances pour la petite famille Wieland, direction l'aéroport de Londres Heathrow à soixante-dix kilomètres de là. Nous étions tous montés dans la voiture, rapidement, tous affolés à l'idée de quitter notre Angleterre pour deux semaines. Nous avions roulés environ quarante kilomètres quand papa a brusquement lâché le volant et s'est tenu la poitrine. Maman, endormie, n'a rien vu venir. Hafiz, lui, a tenté de prendre les commandes du véhicule mais c'était trop tard. La voiture a déviée et nous nous sommes prit une voiture en pleine face.. Papa est décédé avant le choc, il a succombé à un arrêt cardiaque que personne n'aurait pu prédire. Mais Hafiz, mon tendre grand frère, a traversé le pare-brise, prit par un élan de courage il avait détachée sa ceinture pour tenter de reprendre le contrôle de la voiture, trop courageux. Maman et moi avons survécu. Quand j'ai ouvert les yeux, j'étais encore dans le véhicule, Ashka était enfoncée dans l'airbag et j'avais mal au crâne. Quand j'ai vu le corps d'Hafiz, à moitié à l'intérieur et à moitié à l'extérieur de la voiture, j'ai hurlé. J'ai tellement hurlé que ma voix s'est bloquée.. Puis, les larmes ont commencées à couler, j'avais l'impression que l'on venait de m'arracher le cœur, j'étais sous le choc, je n'arrivais pas à y croire, j'espérais que ce n'était qu'un mauvais rêve, qu'un foutu cauchemar, que j'allais ouvrir les yeux et en rire finalement.. Mon père, parti, lui aussi, mon p'tit papa, tellement drôle, tellement bavard, désormais il discuterait avec de vrais anges, plus avec moi.. Pourquoi est-ce qu'ils m'abandonnaient? Pourquoi n'étais-je pas partie à leur place? Pourquoi eux? Pourquoi maintenant? Pourquoi, pourquoi?
Très vite, les sirènes se firent entendre, des bruits de pas pressés arrivèrent jusqu'à la voiture et, j'ai fermé les yeux, préférant ne rien dire, ne rien faire, juste fermer les yeux et attendre de me retrouver sur ce brancard, à côté de la voiture. Après cela, je ne me souviens plus de rien, je sais juste que je me suis réveillée à l'hôpital quelques heures après. « HAAAFIZ!! » Et j'ai pleuré, pleuré, encore et encore, sans m'arrêter, pendant des heures et des heures, suppliant de voir ma mère, mais ils le refusaient pour je n'sais quelle raison. Alors je continuais. « MAMAAAAN, MAAMAAAAAAAN!! » Ils ont dû me prendre pour une vraie folle, tous, dans ce putain d'hôpital de merde. En fait, je n'en avais rien à foutre, qu'ils me prennent pour une folle s'ils le voulaient, de toute manière ce n'était pas cela qui allait les faire revenir. Mais si vous saviez, oh, si vous saviez combien je souffrais, combien je souffre encore.. J'aurais tellement voulu partir à sa place, à leur place, ils ne méritaient pas cela. Dans cet hôpital, l'ambiance était morose. Je me sentais affreusement mal, je voulais les voir, tous, Hayder, Hafiz et maman, je me sentais seule, trop seule, tellement seule que ma solitude m'étouffait, m'oppressait, m'empêchait même de respirer parfois, c'était invivable, insurmontable pour une fille comme moi. Enchainant les crises d'angoisses, ne dormant pas, ne mangeant plus, je suis sortie de l'hôpital encore plus affaiblie que lorsque j'y suis entrée. Mais je devais faire comme si j'allais bien, pour maman, pour qu'elle aille mieux. Alors, je souriais, je parlais, parlais sans cesse même si elle ne répondait pas, je blaguais, je riais, je me moquais des passants dans les rues, je lui faisais des tonnes de câlins et de bisous, en espérant recevoir un joli sourire en retour.. mais rien. Ce n'est qu'après un mois de persistance et d'acharnement que j'ai réussis à faire rire Ashka, et là, j'étais fière de moi, fière de ce que j'avais réussis, mais malheureuse, car tout ça n'était que mensonge, je n'avais pas envie de blaguer et de rire. Chaque soir, je pleurais à chaudes larmes dans ma chambre, je me noyais sous mes médicaments pour étouffer mes crises d'angoisses.. en silence. Un soir, lorsque je rentrais des cours, maman se tenait droite comme un piquet, avec nos valises à ses pieds et elle m'a dit. « Cassiope, on part. » Choquée, j'ai laissé tomber mon sac à mes pieds et j'ai balbutié. « En.. en vacances?! » Ashka a baissé la tête, fixant ses pieds. « Non, on part pour toujours, à Wellington, Nouvelle Zélande. » Sous le choc, j'ai mis mes cheveux en arrière, avant de répondre. « Mais.. maman, on, on connait personne là-bas. » Sans hésitation, et avec agressivité elle a rétorqué. « Justement! » Et sans que je n'ai le temps de dire ouf, j'étais dans la voiture, dans cette voiture, en direction de l'aéroport.. encore.

Ne me regardez pas comme ça, je n'suis pas défoncée, j'vous l'jure.. c'est pas d'ma faute, j'vous l'jure, j'me sentais pas bien, j'ai un peu forcé sur les médoc', sur la vodka et.. merde, vous pouvez m'dire c'que j'ai prit d'autre, vous, vous étiez là, non? Mais si, j'le sais, j'vous ai vu, là, sur le canapé.. Vous savez quoi? Vous m'faites chier, j'rentre chez moi. Aodhàn, tu n'es qu'une conne, tu n'oses même pas leur demander c'que t'as prit.. pff, j'suis ridicule, voilà que j'me parle à moi-même maintenant, j'suis complètement déchirée, j'ai trop forcé sur.. Ah merde. Il est verre mon vide, fait chier! Hey toi! Ah quelle conne.. Prise par une grande soif, j'avais levé mon verre à un garçon inconnu mais mignon qui passait par là. « Hey toi, là. Serre moi un verre de v-v-v.. de.. v-v-vvv..vvvodka, s'il te plait. » Quelques temps après, il s'est assit à côté de moi, j'ai avalé mon verre, et le sien au passage, j'me suis assise sur lui et.. j'ai v-v-v.. (nan, je blague). Il m'a embrassée, je n'ai pas cherché à le repoussé, je crois que je n'aurais pas réussis. Je l'ai laissé balader ses mains sur moi, grimaçant, face à se supplice auquel je ne pouvais rien. Il m'embrassait dans le cou, je basculais ma tête en arrière, attrapant tous les verres que à ma portée pour les engloutir. C'était la fête, je devais m'amuser, non? Alors je m'amusais, et j'en profitais pour oublier un peu tout ce que la vie me faisait subir. Pas de quoi en faire tout un plat, pas de quoi me traiter de débauchée. Y a pas de mal à vouloir oublier.. enfin, oublier c'est pour les lâches, je suis une lâche. J'en ai marre de me forcer à sourire, je n'en ai plus envie, et pourtant, pourtant j'le fais, je souris, je ris, alors qu'au fond, je pleure, j'hurle, je souffre.. Mais dites-moi, vous le voyez ça? Vous le voyez? Non, et c'est bien ce qui m'arrange.

« Cassie..ope, tu vas être en retard chez le psy, dépêche-toi! » Descendant les escaliers en courant, j'avais froncés les sourcils, en colère, plus qu'en colère. Elle n'avait pas le droit de m'appeler de la sorte, pas le droit. Hafiz était le seul à m'appeler comme ça, personne n'avait le droit. « Ne m'appelle plus jamais comme ça, maman, tu m'entends?! JAMAIS! » Puis, claquant la porte, j'étais partie à pieds, chez le psy, pour une de nos nombreuses séances de silence, chiantes à souhait. Assise dans la salle d'attente, jambes et bras croisés, sourcils froncés, j'attendais qu'il m'appelle, ce connard. Puis la porte s'ouvrit. « Cassiope Wieland, c'est à vous. » Je me suis levée, je lui ai froidement serrée la main, plongeant mon regard glacial dans le sien, accompagné d'un petit sourire mesquin. Je me suis assise devant son bureau sans qu'il ne me l'autorise, mais ça, il en avait l'habitude, puis il s'est assis, à son tour, en face de moi, j'ai croisés les jambes, puis les bras et j'ai souris. « Qu'allez-vous me raconter aujourd'hui, Mademoiselle Wieland? » Toujours la même phrase, inutile et énervante. A chaque fois qu'il la prononçait, j'avais envie de lui chatouiller brutalement la joue avec ma main droite, mais.. Je suis un être civilisé, alors, je serrais les point, et la mâchoire aussi fort que je le pouvais. L'heure tournait, les minutes et les secondes s'écoulaient doucement, lentement, trop lentement à mon goût, je me faisais chier à mourir, mais je restais assise, là, sur ce fauteuil plutôt confortable, jambes et bras toujours croisés tandis qu'il ne se préoccupait même plus de moi. « Toujours rien? » Je secouais doucement la tête de gauche à droite, pour lui dire non. « Vous pouvez me dire quand-est-ce que vous allez enfin parler? » Me raclant la gorge, j'ai grimacé, avant de hausser les épaules. « Je n'ai pas envie de parler de moi, ce n'est pas intéressant, pas du tout.. » Cela faisait maintenant une heure que nous étions dans cette pièce, je me suis levée, je lui ai tendue la main, il l'a serrée, et je suis sortie, fermant doucement la porte. C'était la plus longue phrase que je ne lui avais jamais dite en presque un an et demi. Je me sentais faible, encore plus faible que d'habitude, j'avais parlé à ce connard de psy.